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L’utilisation du corps en classe de FLE

Bonjour Elise !

-Bonjour David !

-Est-ce que tu peux commencer par te présenter s’il te plait ?

-Je suis prof de français langue étrangère (fle) depuis 15 ans, j’ai travaillé surtout en France, j’ai fait un petit passage en Suisse. J’ai notamment travaillé avec plusieurs écoles et instituts à Montpellier.

-Et de quoi tu aimerais nous parler aujourd’hui ?

-Et bien j’aimerais vous parler de l’utilisation du corps en classe de fle.

Pourquoi ?

-Parce que, en fait, au fur et à mesure des années, c’est un thème que j’ai développé, vu que cela m’intéressait. J’aime la danse, le yoga, le théâtre et j’ai constaté que j’aimais bien faire lever mes étudiants le plus possible.

-C’est toujours possible ? Cela demande un minimum d’espace non ?

– C’est vrai que c’est plus pratique quand il y a de la place. Certaines activités ne demandent pas de beaucoup bouger, et puis parfois, même si ce n’est pas idéal on se lève quand même !

-Pour être concret, est-ce que tu as des exemples d’activités où tu les fais bouger, se lever ? Et dans quel but ?

-Alors, il y a plusieurs objectifs quand je les fais bouger. D’abord il s’agit de les faire bouger pour les faire bouger, pour dynamiser si je constate que la classe en a besoin. J’ai des activités classiques que je fais souvent en début de cours pour établir une dynamique.

Par exemple, je pense que de nombreux profs connaissent l’amnésia. Dans ce jeu les apprenants ont un petit papier dans le dos, par exemple : je suis une personnalité mais je ne sais pas qui je suis, j’ai oublié qui je suis et je vais aller rencontrer chaque étudiant de la classe, à qui je vais poser une question et qui va me donner une indication. Quand j’ai rencontré tous les étudiants, je vais dire si je me rappelle qui je suis. Souvent on finit avec 3 Madonna et 4 Mickael Jackson ! On peut proposer des variantes, par exemple si je travaille l’impératif, chacun va avoir un papier dans le dos sur lequel sera écrit un problème mais qu’il a oublié et chacun lui donnera un conseil, par exemple (si mon problème c’est que j’ai perdu mes clés) un étudiant me dira « Réserve un hôtel pour ce soir ! » et un autre « Appelle ta mère pour savoir si elle les a trouvées ! », etc.

Donc on a un but pédagogique mais c’est vrai que l’objectif est aussi de se déplacer dans la classe, de rencontrer les autres étudiants. C’est pour ça que je le fais au début de la classe, pour qu’ils se mélangent parce que quand ils sont assis il n’y a pas de mélange.

-Quelles autres activités utilisant le corps tu fais en classe ?

Une chose que j’aime beaucoup et que j’ai constaté, en fait je me suis un peu spécialisée sans le vouloir au fil du temps, c’est qu’en bougeant les choses dans l’espace on arrivait mieux à les classifier dans son cerveau. Donc, par exemple, quelque chose que je fais : chacun va être un mot, il aura une grosse étiquette avec un mot. S’il y a 10 étudiants, chacun est un mot et avec ces 10 mots ils vont devoir se mettre en rang d’oignon pour faire une phrase. Je fais cette activité quand on travaille la place de l’adjectif par exemple.

J’aborde souvent la grammaire avec des système d’étiquettes : je les fais se lever, remettre des étiquettes ensemble pour retrouver la conjugaison des verbes, et je me suis aperçue que le fait de bouger quelque chose et de bouger eux-mêmes physiquement, ça leur permettait de s’organiser mentalement, de conceptualiser clairement et après c’est enregistré et ils s’en souviennent.

Pour ceux qui ont une mémoire visuelle ou kinesthésique, ça fonctionne vraiment bien. 

-Donc il y a des déplacements pour se rencontrer, des déplacements pour conceptualiser, visualiser et mémoriser.

-Oui, c’est ça, et parfois on bouge pour le plaisir du mouvement, toujours avec un but pédagogique. Par exemple, je leur fais faire du yoga quand on peut sortir de la classe. Là c’est très ciblé, on voit le vocabulaire de l’anatomie et du mouvement. Un été pour les plus téméraires on avait même organisé des ateliers acroyoga !

Plus traditionnel, on peut faire aussi le tableau vivant : ils ont une image et ils doivent mettre leur collègue dans la position de l’image à l’aide de consigne comme « lève le bras, tourne-toi un peu ! », c’est généralement assez drôle en plus. Donc là on est sur un vocabulaire très spécifique.

J’aime bien les faire jouer au béret aussi. Pour travailler le passé-composé et bien choisir entre être ou avoir.

-Rappelle-nous les règles du béret s’il te plait.

-On fait 2 équipes de 5, par exemple, en ligne face à face, et chacun a un numéro secret (qu’il connaît mais que les autres ne connaissent pas). Au milieu, à égale distance entre les 2 équipes se trouvent 2 bouteilles, une bouteille avec inscrit « ETRE » et une avec « AVOIR ». Moi, je suis la crieuse : je vais donner un verbe, par exemple « COURIR » puis je vais annoncer un numéro. Si j’annonce le 4, alors la personne de chaque équipe ayant ce numéro va devoir se déplacer le plus vite possible et prendre la bonne bouteille avant son adversaire et retourner dans son camp. Ils doivent donc choisir très vite entre être ou avoir au passé-composé, ce qui correspond à la rapidité à laquelle tu dois choisir quand tu parles. Et en même temps, on rigole ! C’est démontré par de nombreuses études qu’on apprend mieux en s’amusant et on apprend en bougeant aussi. La mémorisation fonctionne mieux quand on bouge, le cerveau est mieux irrigué.

-Est-ce qu’on peut faire ce type d’activité à tous les niveaux et avec tous les profils d’étudiants ?

-Moi, j’essaie vraiment de le faire à tous les niveaux parce qu’on a plus tendance à le faire avec des débutants, comme les jeux en fait, on fait plus jouer les débutants, mais en réalité dans les niveaux avancés c’est bien de ne pas oublier ce type d’activités, parce qu’eux aussi ont droit au ludique !

Et est-ce que ça fonctionne avec tout le monde ? J’ai toujours rencontré de l’enthousiasme avec des apprenants très différents, et même avec des gens assez timides ou inhibés. Je pense aussi que comme je crois beaucoup dans ce genre d’activités et que cela correspond aussi à ma manière de faire, ils le ressentent et ça marche. Je pense que si le prof est à l’aise avec ça, ça marche.  C’est comme faire chanter les étudiants, si on y croit, on y arrive.

-Donc jamais de refus catégorique d’un apprenant ?

-Non, je n’ai jamais eu de refus catégorique. J’ai bien sûr senti des gens qui étaient plus timides et qui avaient plus de réserves que d’autres, mais j’ai l’impression que ça touche notre part enfantine et au final, tout le monde en a une. En fait, ça peut permettre d’accéder à cette part enfantine à laquelle on n’a pas forcément accès autrement et donc pour des gens qui peuvent être un peu bloqués, ça peut libérer des situations, ça peut nous faire voir nos apprenants sous un autre angle, on peut les découvrir joueurs, ouverts, alors qu’en situation de classe ils étaient plutôt stressés et fermés.

-C’est aussi une manière pour eux de dédramatiser l’apprentissage peut-être ?

Voilà, et une fois qu’ils sont dans le jeu ils sont en mode jeu et c’est un autre état d’esprit. Pour les apprenants qui n’ont pas une manière d’apprendre très scolaire, ça leur permet vraiment d’avoir accès à des choses complexes qu’on aurait pas pu leur expliquer avec une leçon de grammaire. En déplaçant des objets dans l’espace, d’un seul coup ils comprennent !

Et désinhiber les apprenants, c’est vraiment une des raisons principales pour lesquelles j’aime ces activités parce que la langue c’est quelque chose de vivant, il faut qu’elle circule, et donc on peut y parvenir avec ce qui touche au théâtre, à la mise en scène dans l’espace… Et même pour la prononciation et l’élocution ça peut aider. Par exemple, si on a un grand espace extérieur à disposition, on peut éloigner les étudiants physiquement l’un de l’autre et leur donner des messages à se faire passer en articulant bien et en parlant très fort! Je précise quand même que c’est important de toujours vérifier que chaque étudiant est suffisamment à l’aise avec l’exercice, même si certains repoussent un peu leurs limites le but premier est toujours qu’ils s’amusent et que ce soit gratifiant.

-Tu fais ces activités tous les jours ?

-Non, pas tous les jours. Toutes les semaines, c’est sûr, quelquefois plusieurs fois par semaine, y a pas de règles.

-Merci Elise, et bonne continuation pour tes cours.

-Merci David, au revoir.

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Thomas

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